Une fin dont vous êtes le héros



C’est fini. Tout est fini. Ce blogue aussi.

Généralement les blogues finissent parce que :

1. Je suis tannée j’ai fait le tour j’ai l’impression que je n’ai plus rien à dire ici. Que je ferais rien que me répéter. 

2. Je suis en amour je baise tout le temps maintenant. Baiser c’est plus le fun qu’écrire un blogue alors c’est ça que je fais. Quand ma vie va recommencer à aller mal je vais revenir écrire des niaiseries ici.

3. En fait je suis une auteure tout ça c’était pas vrai je publie mon premier livre « ici », il va s’appeler « de même », c’est pas pour faire de l’autopromotion mais en fait mon vrai nom c’est « ça » j’ai enfin résolu mon gros complexe d’imposteure et maintenant que je publie je n’ai plus besoin d’écrire un blogue.

D’habitude les blogues meurent pour une de ces trois raisons. Peut-être les trois. Ou peut-être qu’il y a des bloggeurs originaux qui meurent pour d’autres raisons. Et il y en a qui continuent malgré 1, 2 et 3. Allez savoir. Moi ça fait longtemps que j’ai abandonné l’idée de comprendre quelque chose au monde.

Je vous laisse le soin d’imaginer votre fin. Parce que c’est plus le fun quand on est le héros.

Merci de m’avoir lue.

Sophie.


Fuck you Simon le blogue



J’ai changé le titre du blogue. Pis je pense me partir une ligne de produits dérivés. Fuck you avec une barre en-dessous. Fill in the blanks. Déteste qui tu veux. Tu vas voir ça fait presque du bien.

Rosebud



Je voulais aller faire une promenade en bateau-mouche. Plus quétaine que ça, tu meurs. Je feelais amoureuse je voulais que ça paraisse. Moi quand je me lance, c’est pas rien qu’un peu.

Je lui ai dit viens, j’ai une surprise pour toi. Cet après-midi, 15h, à côté de l’autobus jaune. Sois prêt pour la ride de ta vie.

Il y a eu un silence au bout du fil. Pas de fil. On n’a plus de fil. C’est fini les fils. 

Sophie je peux pas. Je peux juste pas c’est comme ça. Je veux dire nous deux. Je peux pas. C’est pas toi. C’est moi. J’aurais pas dû retontir dans ta vie comme ça. C’était pas correct. Je suis pas amoureux de toi. J’ai pensé un temps que oui. Mais non. Je veux pas de blonde. Je comprends si tu me détestes. Barre-moi de ta vie ok?

Je suis tombée par terre. Littéralement.

J’ai fixé le mur pendant un crisse de boutte. J’ai pas pleuré.

Dans le fond de moi je me suis dit : it makes sense. Pourquoi je me suis dit ça en anglais? Est-ce que ça fait tellement mauvais téléroman tout ça que ça m’est venu en anglais? Je sais pas. Je sais plus rien.

Il me restait des ingrédients pour les cupcakes. Mécaniquement j’en ai fait une batch pis j’ai mis du glaçage rose sur le dessus. Avec la douille pis la forme parfaite pis toute. Il y avait tellement de travail dans ces petites bêtes-là on aurait pu pleurer rien qu’à les regarder. Ils étaient fucking parfaits ces cupcakes-là. Mais moi je pleurais pas.

Je suis débarquée chez lui. J’ai pas sonné. J’ai même pas essayé de rentrer.

J’ai pris les cupcakes pis un par un je les ai lancés sur son balcon. Sur sa porte d’entrée. Dans ses fenêtres de salon.

Un cupcake comme une bombe qui n’explosera pas ailleurs. Des munitions en gâteau. Ça s’écrasait sur le mur dans des grands splouches. Il restait comme une petite cible rose. Le reste crissait le camp par terre.

Une grosse montagne de brun sur son balcon.

Quel gaspillage. Et pis c’était même pas assez sale. Mais il y avait plus de cucpcakes. Tous rendus sur son balcon et dans ses fenêtres. Je voulais encore tuer l’univers au complet.

Mais lancer des trucs aura jamais rien réglé dans la vie de personne. Ça défoule même pas assez.

Fuck-you Simon. Fuck you.

Avec rancune. Vraiment.

Tourner en rond



On voulait faire un pique-nique, il pleuvait. On atterrit chez Karine. Son mini-bar est toujours plein. On s’est fait des mojitos juste parce que ça goûte l’été et qu’en appelant l’été il va bien finir par arriver.

Le souper était bon. Pas tard elle décide qu’elle va se coucher. Un truc genre à six heures le lendemain matin j’appelle Simon. Il travaille encore, viens me rejoindre, qu’il dit.

Ça m’a fait penser à la première fois que j’étais débarquée dans ce club-là pour aller le voir. Et à tout le temps qui a passé depuis. Il a pris un break de ses vinyles pour venir me frencher. Je me suis assise au bar. J’ai jasé avec le barman. Je me sentais jet set.

Après le close on est rentrés chez lui. On a décidé que ça valait plus vraiment la peine de dormir. Avec lui, j’ai jamais le goût de dormir. 



Il m’appelle pour me dire qu’il a trouvé mon bas.

Ben non c’est pas pour ça qu’il m’a appelée. Mais il me dit à moment donné en passant ben oui j’ai retrouvé ton bas. Il était où? Je sais plus. Derrière un sofa je pense.

Ce soir-là ou l’autre d’après je suis chez lui ça me revient en tête eille t’aurais pas mon bas? C’est pas que j’y tiens tant que ça mais bon tant qu’à y penser et à être là.

Ah oui certain. Tiens.

Sauf que c’était pas mon bas. Il était même pas de la même couleur. Mais c’était clairement un bas de fille.

Sur le coup j’ai pas trop réagi. J’ai pas pensé à réagir.

Un bas. Un autre. Au fond, tant qu’il me fait, c’est pas trop grave.

Puis plus tard, mais d’où il sort ce bas? C’était à qui avant? Et surtout, ça fait combien de temps qu’il traîne chez Simon? Pis il est où mon bas? Il est rendu au pied de qui?

J’ai décidé de pas lui en parler.

Dans ma tête sont apparues plein de fissures dans ma grosse bulle sale.

La veille il avait pas répondu à son cell. Pourquoi?
Et puis l’autre jour il textait quelqu’un d’autre il avait l’air trop heureux.
Pourquoi tout d’un coup out of nowhere il est revenu dans ma vie?

On n’a jamais parlé de rien. Il y a comme des tabous gros comme des montagnes. Des portes que j’ai peur d’ouvrir. Je veux pas que mon château de sable s’effondre.

Je suis allée traîner dans son coin. J’ai tourné autour de son appartement en écoutant de la musique dépressive.

Des fois quand ma vie va trop bien j’ai besoin de rajouter de la marde dedans. Ça me rassure on dirait.

J’ai trouvé un arbre où je pouvais grimper. De là, je voyais dans sa chambre. La lumière était allumée mais il y avait personne.

Une heure a passé peut-être.

Puis il est arrivé.

J’ai retenu mon souffle j’ai sûrement fermé les yeux qu’est-ce que j’allais faire s’il était avec quelqu’une d’autre? J’avais besoin de savoir ce que c’était, cette histoire-là. J’aurais des preuves que l’univers au grand complet conspire contre moi.

Il était seul.

Je commençais à avoir pas mal partout, perchée dans l’arbre.

Je suis rentrée chez moi avec un gros sourire dans la face.

Et je me suis trouvée conne en sacrament.



L’art reprend la rue. Je sais pas ce que vous en pensez mais moi, les casseroles et tout le reste, je trouve ça artistique. C’est comme remettre un sens dans festival là où il n’y en n’avait plus.

Les manifs, c’est aussi un bar open de cruise. Sérieux, t’as une excuse pour être à moitié tout nu (ou complètement tout nu) te promener avec une pancarte sexy et vendeuse au-dessus de la tête (lire: check me out je suis drôle et beau/belle et engagé/e) et parler à n’importe qui sans raison précise. J’ai vu : Manifestant seul cherche 48 filles (pas plus) pour l’accompagner. Ou quelque chose comme ça. 

Tu peux aussi protéger ton nouveau kick des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc en te lançant entre les policiers et il/elle parce quoi toi, tu auras des lunettes de ski et un foulard par-dessus tout le reste (bon ça descend un peu ton niveau de sexyness, mais pour sauver quelqu’un j’imagine que ça vaut la peine – ça montre aussi que tu est prévoyant et téméraire, peut-être que des fois ça compte pour autant que la hawtness) et si jamais tu échoue la sauvegarde ou la fuite, ben tu partageras une ride de bus et un tour de poste de police avec le futur être aimé. T’auras vraiment plus besoin de briser la glace après. Je pense que tu peux aller direct frencher dans un parc et risquer de faire un autre tour de char de police parce que tsé, on doit bien être rendu avec un couvre-feu à la grandeur du Québec. Cossé tu fais dehors? Envoye à maison. Ah, c’est pas encore voté cette loi-là? Scusez du spoilers.

Faque dans le fond, on devrait remercier Charest de faciliter le matchage et le sexe. 

Dans la jungle urbaine



Il y a un mini-boutte de rien assis en face de moi au café. En fait c’est sa mère qui est assise en face de moi. Lui il doit pas avoir plus qu’un mois. Deux? Je suis pas bonne en années-bébé.

Il gazouille et elle a l’air de comprendre quelque chose à tout ça.

En partant elle l’enroule dans un gros tissus on dirait des kangourous.

Pourquoi ces tissus-là sont toujours multicolores? À la Péru-style. Vous savez de quoi je parle.

Est-ce que c’est une autre des grandes règles de l’univers dont j’ai jamais entendu parler et qu’il y a une genre de concertation planétaire? Tout le monde sait ça sauf moi?

Multicolore, ça fittait full mal avec son linge. Et je suis prête à parier que ça fittait mal avec tout le reste de son linge. Mais multicolore it is.

Les nouveaux parents perdent souvent tout sens de l’esthétique.

Tous des cochons



Je me sentais Betty Crooker ou ama de casa ou encore plus de choses auxquelles je préfère ne pas penser. J’ai fait des cupcakes.

Pas de rose. Des cupcakes de gars. Si ça se peut.

Genre fondant au chocolat avec un glaçage plein de sucre. 

C’était même pas sa fête. Rien de spécial. J’avais le goût de faire des gâteaux.

Je suis débarquée chez lui avec ça.

En chemin je m’étais fait siffler parce qu’en plus j’avais mis une robe sexy, des bottes de salope ET des lunettes de pitoune.

Il était pas chez lui quand je suis arrivée je me suis assise sur son balcon. J’ai mangé un gâteau en attendant. Ils étaient bons.

Il a fini par arriver. Avec les cheveux dépeignés juste ce qu’il faut. Ça m’a serrée dans le ventre. Finalement on a passé la soirée dehors.

Il a sorti une bouteille de vin (deux). On s’est fait venir des sushis et on a mangé plein de gâteaux.

À matin j’étais tellement en retard je trouvais plus un de mes bas j’ai fini par partir à moitié nue bas. Moyennement confortable dans des bottes de salope (d’ailleurs l’ensemble était très peu approprié pour une journée de bureau – je me suis fait regarder de travers, mais pour d’autres raisons que la veille).

Je compte les jours avant que quelqu’un se décide à me mettre à la porte.

Sometimes, life is also about life



C’est ça que j’ai dit à la fille en cœur de pomme, entre deux gorgées de thé. Et puis je suis tombée sur ça :

« The past is never dead. It’s not even past. Lorsque j’avais lu cette phrase de William Faulkner, je l’avais recopiée dans un cahier, certaine qu’elle contenait une révélation et que c’était mon destin de l’assimiler. Ma seconde vie se faufilait à travers ces mots comme des doigts dans un gant de cuir merveilleusement ajusté. Le passé n’était pas mort. Il n’était même pas passé. Je n’avais rien vécu. Rien compris. Il en irait ainsi jusqu’au jour de mon trépas qui serait le plus beau jour de ma vie : celui de la connaissance absolue. » 
Pourquoi faire une maison avec ses morts, Élise Turcotte

Crème à la glace limonade sucrée



Il m’a acheté un popsicle.

Un popsicle rose. Ceux qu’on peut casser au milieu pour les partager mais enfant ça nous faisait donc ben chier. T’as un popsicle tu veux pas le partager. Même si c’est trop gros pour toi que ça coule partout pis que ça colle. Tu veux le manger toute. Pas question d’être fif et de le splitter. Même si au fond, ça se mange mieux.

Je lui ai offert la moitié.

Il m’a dit qu’il aimait pas le rose.

Alors je l’ai mangé toute.


Le double tasking



J’ai jamais compris comment on faisait pour boire un café ou un thé chez la coiffeuse en même temps qu’on se fait couper les cheveux. Ça m’impressionne celles qui réussissent à le faire. Moi chaque fois que je vais me faire couper les cheveux on me propose quelque chose à boire. Je dis oui parce que tsé, quelque chose de gratuit je dis toujours oui. Et là je me retrouve chaque fois à regarder mon verre refroidir et pas vraiment pouvoir le boire parce qu’elle me joue dans les cheveux tiens ta tête comme ça ne bouge pas. Et puis il y a les cheveux qui tombent dans le verre et partout autour. Pis là je stresse je me demande si ça se fait de lui dire eille arrête un peu deux secondes j’aimerais ça prendre une gorgée. Bien trop peur qu’elle manque son coup parce qu’elle aurait été déconcentrée et qu’elle perde de vue « l’œuvre » en cours. Alors je dis rien je pense à mon verre que j’aimerais donc ben boire. Mais que je ne peux pas. C’est juste un tease.

Comment on peut boire dans ces conditions-là?

Back to the Future



Faque on est revenus depuis quelques jours. J’en reviens encore pas.

Tu sais, des fois la vie amène des bonnes surprises.




PS : Il est encore plus cute dans un show acoustique qu’avec tout le reste de son band.


Nous Yorke



On n’est pas restés bien bien longtemps à New York. Lui il connaissait tout plein de monde et il m’amenait à plein de place que je me rappelle plus le nom. 

J’ai rencontré une fille en cœur de pomme et son copain avec les cheveux longs. Des anarchistes de Occupy Wall Street aussi mais je me suis pas rendue à Wall Street pour voir s’ils occupyaient encore. Une massicote géante qui donnait des cours d’harmonica à temps partiel pour financer ses jelly beans et qui d’autre?

Un soir j’ai mangé du caviar. Vivre un moment « Sex and the City » : Check.

Je pense que j’ai croisé Barrack Obama, mais c’était sûrement quelqu’un d’autre.

Il a fait beau. Plus qu’ici je pense. J’ai pris un coup de soleil sur le bout du nez. J’ai pas vu beaucoup de coups de soleil dans les rues de Montréal. Quoique ça commence.

J’ai rencontré plein de gens mais je pensais pas à eux. J’avais tout le temps hâte qu’on rentre à l’appart. Tu sais, quand t’as un appart cool comme ça avec des grandes fenêtres pis plein de lumière, tu perds pas ton temps à aller te promener.

Tu restes en-dedans. Pis tu baises.

C’est pas comme si New York risquait de disparaître le mois prochain. 

Pis c’est là qu’il m’a demandé…



Ça faisait quoi, quelques jours de gros bonheur sale pas plus. Il me dit demain je pars à New York. Je fais la première partie acoustique du gig d’un de mes amis. Viens avec moi.

J’étais jamais allée en plus.

J’ai pensé au bureau. J’ai pensé que j’allais me faire mettre dehors. J’ai pensé qu’au fond je m’en câlissait un peu. Je me suis dit ah pis de la marde on vit rien qu’une fois. Vivons dangereusement. Après peut-être qu’on pourra plus.

J’ai appelé pour câler malade d’avance et on a sauté dans le train.

Tu le savais-tu toi que ça passait tout le long du lac Champlain, entre les montagnes?

J’aime les trains. J’ai toujours aimé les trains. Je me sens loin dans un train. Je ferais des tournées de train à l’infini. Ça tombe bien parce que c’est crissement long le train pour aller là-bas. T’es mieux d’aimer ça le train si tu le prends. Parce que tu vas être dedans un boutte. Au moins, c’est plus confortable pour frencher que l’autobus.

On s’est ramassés à l’épicentre d’hipsterlandia. Genre là où Dieu a inventé les hipsters. J’avais oublié de m’habiller tout croche.

On n’avait pas vraiment de bagages. Son ami nous avait trouvé un appartement. Le loft d’un autre ami qui était parti je sais pas où. Le truc de malade. Sur son toit il y avait un hamac et un barbecue.

On déménage-tu à New York?

Moi je serais jamais sortie de cet appart-là.

Un soir, on est allés à Central Park. On a trouvé ça loin, se rendre en métro.



Ça fait longtemps que j’ai pas écrit. C’est arrivé tellement vite je ne sais plus comment conter ça. J’ai pas eu le temps j’ai même pas pensé. Comme trop occupée à vivre.

C’est lui qui m’a appelée. J’ai le goût de te voir là. Je le sais c’est con. Ça pas rapport. Je suis à l’envers de ces temps-ci.

On est allés prendre une bière. Puis une autre. Puis plein d’autres.

Je sais plus comment c’est arrivé. Qui a frenché qui en premier. Est-ce que c’est arrivé autour de la table? Debout près de la caisse? Dehors pas loin des vélos? Ou juste chez moi?

Je ne sais plus comment on est rentrés. Ni pourquoi il m’a suivie. Pourtant même avant de me rendre à cette bière, je savais ce qui allait arriver. Je me suis dit ça après, mais est-ce que je le savais vraiment? C’est facile après, énoncer des évidences.

Le lendemain je suis pas allée travailler.

On a tellement frenchés que j’avais mal partout.

Je suis partie à rire pour rien dans le creux de son oreille. Maudit que je me sentais niaiseuse.

J’ai pas posé de questions sur le pourquoi des choses.

Pourquoi là et pas avant?
Pourquoi il a fallu toute cette marde?

Est-ce que ça rend le présent plus précieux, la marde?

Philosophie de sous-sol



Un jour j’étais jeune ça fait longtemps on avait accroché sur une expression je me rappelle plus d’où elle sortait, peut-être d’un plat de pâté chinois. C’est pas vraiment important de toute façon, l’origine des choses.

Mais c’était : « Quand y’en n’a pus, y’en a encore. »

On l’a tellement répété cette phrase-là. Vous avez pas idée.

Je savais pas dans le temps que ça allait me suivre toute ma vie. Que toute, dans la vie, c’est jamais vraiment fini.


Le 22 avril



By the way aujourd’hui c’est le Jour de la Terre. Oubliez pas de sauver un cup de plastique d’une fin atroce dans une décharge. C’est important. Ça permet de se sentir moins mal les autres jours de l’année.



Je pense que l’idée de frencher le petit hottie du bureau m’excitait plus que le hottie lui-même. 

Je sais pas si je vais lui dire.







Correria & Agwa



Quinze hommes musclés. Quasi tout le temps torse nu. Sur la scène.

Ils sont beaux en plus ils savent danser.

Ça m’a ramenée au Brésil. Aux garçons qui te prennent sans te demander ton avis, et qui te font onduler en plein milieu du carnaval de Rio. Aux garçons qui glissent leurs mains entre tes hanches et celles de ton copain, dès qu’il y a un pouce de libre. Aux garçons qui te parlent de leur femme, pendant qu’ils embrassent leur maîtresse dans ta face. Aux garçons qui sont plein de sel et de sable parce qu’ils sont toujours dans la mer. Aux garçons qui ont les yeux qui brillent quand ils te regardent parce que tu sais, ils aiment vraiment ça le sexe.

Il paraît que c’était des enfants des favelas. 

À la fin ils dansaient avec des colonnes de verres en plastique qu’ils ont lancées dans les airs. Les verres sont tombés comme des confettis géants et un peu plus tard, tout le monde a applaudi très fort.

Je suis sûre que même ceux qui étaient assis dans le fond, ils voyaient les six pack des danseurs.



Je suis retournée tu sais, au café où il travaille. Comme pas été capable de m’en empêcher. Je suis arrivée pas longtemps avant le close. Je le savais que ça fermait dans une demi-heure. Je commande une bière. On n’en sert plus après 15h qu’il me dit. Veux-tu un smoothie?

Je me suis assise au comptoir et j’ai regardé les clients passer. Quand c’était tranquille on se parlait un peu. De rien de spécial.

Ils ont fermé je suis resté là. Il passait un chiffon sur le comptoir. 

J’ai appris qu’il avait un chalet dans le bois.

Pis je l’ai trouvé juste encore plus parfait.

Fahrenheit 77



L’été j’aime ça parce que je peux sortir mes lunettes de pitoune.

L’hiver j’ai des bottes de salope que je mets des fois mais d’habitude je me pète la gueule à cause des talons.

Les lunettes, c’est moi dangereux et ça rocke plus.



On était assis sur le bord du canal. J’ai toujours rêvé d’aller frencher là. Nos vélos étaient pas loin, dans le gazon. Il était pas trop tard. L’heure où tu vois encore clair, mais le jour est fini. D’habitude c’est l’heure où ça commence à sentir le barbecue.

Nous on pitchait des roches dans l’eau. J’ai jamais été ben bonne pour faire faire des rebonds à mes roches. Je dois pas choisir les bonnes. Jamais compris le trip non plus. Mais ça hypnotise un peu pareil. Lancer une roche et regarder les cercles sur l’eau. Pis instinctivement, on arrête de parler quand on se concentre sur quelque chose de complètement inutile.

Des fois le silence, ça fait du bien en sacrament.

La Honte.



En bas, au bureau, il y a une genre de cafétéria. Officiellement ça s’appelle un resto, mais il y a juste des gens qui travaillent dans l’immeuble qui vont là. C’est comme un faux resto.

J’avais faim hier. Pis j’avais crissement le goût de chocolat. Ça fait que je me gâte, j’achète une Lindor. Je m’achète un sandwich aussi, faut bien que je mange quelque chose. Le resto est plein, il reste plus vraiment de tables. J’ai pas le goût de manger devant mon ordi. 

Ça fait que je demande à une femme que je ne connais pas – jamais vue de ma vie, si je peux m’asseoir en face d’elle. Certainement qu’elle me dit. Semi sourire, retour au Ipod.

Elle finit de manger avant moi. Je la regarde pas vraiment. Tu sais, l’art du respect de la bulle de l’autre dans un espace restreint. Mais du coin de l’œil, je la vois en train d’ouvrir ma barre de chocolat. Je me retourne je lui fais des gros yeux. Mais je suis comme pétrifiée sur place, pas capable de dire quelque chose. J’en reviens juste pas. C’est là qu’elle se pogne un carré et qu’elle le mange en me dévisageant. 

Non mais!

Vous avez pas idée comment je me mourrais de manger cette barre-là. Ostie de journée de marde. De sandwiche plate. De tellement d’anticipation à me dire oui mais pendant deux minutes, je vais pouvoir oublier tout ça.

Mais la grosse vache mange ma barre de chocolat.

À se reprend un autre carré. Et elle me sourit!

Dans ma tête ça a comme tilté. Mon bras lui a pitché un verre d'eau dans la face. J'ai pas eu le temps d'y penser. C'était déjà fait.

En voyant ça j’ai eu la présence d’esprit de sacrer le camp. Je suis partie le plus vite que j’ai pu pèse sur l’ascenseur envooooooye arrive! J’ai l’impression qu’elle me coure après avec des couteaux dans les yeux. Mais quand même, que je me dis, elle mangeait mon chocolat dans ma face sans se sentir mal qu’est-ce qui est pire? Ça ou un verre d'eau?

Si elle savait comment je voulais cette barre-là.

Envoye ostie d'ascenseur, arrive!

Il arrive je me garoche dedans j'appuie comme une déchainée sur le bouton qui ferme la porte, 15e. Ouf. 

J'ai encore des sueurs froides quand j'arrive en haut. Je me sens conne aussi un peu. Mettons que j'ai peut-être surréagi.

Devant mon bureau je cherche mon lipsil dans mon sac. C’est comme un réflexe. Je me mets compulsivement du lipsil.

Qu’est-ce que je trouve pas dans ma saccoche...

Ah ben crisse. 

Un nuage de lait, dans votre café?



J’attendais une amie. J’étais d’avance j’avais amené un livre. Je lève la tête pour voir si le serveur arrive.

Je manque de m’étouffer.

C’est Simon.

  • Qu’est-ce tu fais là?
  • Je travaille ici deux jours par semaine.
  • Il y a pas assez de café dans ville? T’étais-tu vraiment obligé de venir scraper mon café préféré?

Il m’a laissé le menu en haussant les épaules.

J’arrivais pas à penser à rien d’autre qu’à lui. Bâtard d’hormones. Résiste. Come on. Essaye de pas t’abaisser à faire quelque chose de vraiment dégradant, comme le regarder avec des yeux pleins d’espoir qui brillent le cœur qui bat à deux cent milles à l’heure. Essaye de te contenir, genre.

En m’amenant un café il a décidé de s’asseoir un peu. J’ai deux minutes, qu’il dit. Ça va? Ouais, toi? Toujours le gros bonheur sale? Il a pas vraiment répondu. Je sais pas si c’était un silence de oui ou de non. Tu sais, je trouve ça plate qu’on se parle plus. Moi aussi.

Est-ce qu’on fait la paix?


Instant volé



Elle avait mis rien que son linge rouge dans la machine. Lui, il lisait le journal.

Je me suis arrêtée dans la vitre l’autre côté, pour les regarder un peu. La vitre les rendait flous. Ça donnait le goût de rester.

Quand elle a sorti sa brassée pour la mettre dans la sécheuse il y a une paire de culottes qui est tombée. Un j-string en dentelle. Il l’a remarqué. Je l’ai vu voir le j-string tomber, se demander s’il allait se lever pour lui rendre, étouffer un sourire en coin, se replonger dans le journal.

Je me suis assise sur la boîte à fleur où il y a rien que de la terre de ces temps-ci. Ça commençait à être excitant. Je me suis dit que si je fumais, j’aurais l’air moins mongole. 

Elle s’est assise en face de lui elle s’est mise à feuilleter le Elle. Il a encore fait semblant de pas la voir. Mais d’où j’étais, je voyais qu’il se mordait les lèvres en bas. Elle lui a dit quelque chose. Peut-être qu’elle lui demandait l’heure. Il a posé son journal et il s’est mis à la regarder. Intensément.

Il faisait deux fois son âge.

La fille elle a pas bronché. 

Moi chaque fois que j’ai dû aller dans un laundromat dans ma vie, il m’est jamais rien arrivé de spécial. 

Il y en a des pires



J’ai conté ça à Karine. Elle me dit moi, une fois qu’on se disait « Ex » et moi que tu sais, peut-être qu’on essaierait encore, pour voir. J’ai rencontré un garçon un soir. C’était rien. C’est pas comme si c’était clair avec l’autre non plus. On se ramasse sur la banquette arrière d’un char. Ben sacrament, « téléphone » a appelé l’ex pendant que je baisais avec l’autre. Je lui ai laissé un message de cinq minutes! 

Elle est arrivée chez elle, elle avait un message de l’ex : T’es rien qu’une crisse d’ostie de folle, je veux plus jamais te revoir.

Elle l’a plus jamais revu.







*Si Karine avait vu le triangle au moins elle aurait pu se dire: Wow je suis vraiment belle et vraiment intelligente.


Ça arrive rien qu’à moi ces choses-là



On se voit pas assez tu sais ça fait que de mon poste je lui ai envoyé un courriel.

J’ai passé une super nuit. On remet ça quand tu veux. Dans l’ascenseur?

Cinq, dix minutes plus tard, il y a France qui arrive. Moi ça me dérange pas mais le bouton «bloquer» de l’ascenseur appelle directement les pompiers. Je te dis ça de même, tu sais.

WTF?

J’suis devenue rouge foncé ça me brûlait dans les joues. J’ai fait semblant de pas comprendre.

Dès qu'elle a viré de bord je me suis garochée sur mes courriels. Dans ma boîte « envoyé », le dernier message parti, celui sans titre, ben c’est pas à lui que je l’avais envoyé, c’est à elle...

Malaise.

Parce que j’ai toujours été forte en maths


J’ai pensé à ça et j’ai fait mon triangle de gars.


Tu y crois-tu, toi, qu’on peut tout avoir?



T’es vraiment belle. T’es intelligente.

J’ai pensé au triangle. Cet ami qui me dit que pour comprendre les filles tu mets « Équilibre  mental », « Beauté », et « Intelligence » sur un triangle. Les filles sont à un des trois pôles. Peuvent pas être ailleurs. Il y a trois options de filles. On est faites pour qu’il nous manque quelque chose. C’est ça qu’il dit.

Je dois être crissement folle.

Au fond je pense que je préfère ça. S’il faut choisir.

On s’est embrassés j’ai eu des papillons dans le ventre.

Ça faisait longtemps.


On joue à la tague



Elle fait le tour des zinternet depuis un petit temps. Elle arrive de . C’est à moi de répondre. Je vais essayer de faire ça short and sweet.

Je dois révéler onze choses que vous ne savez pas nécessairement sur moi 

  1. Dans ma vie j’ai cohabité avec des chats (imposés), des souris (pas voulues), des fourmis (pas voulues), des coquerelles (pas voulues), des puces (pas voulues) et des punaises (pas voulues) : ma relation amoureuse avec les petites bêtes est clairement à sens unique.
  2. J’haïs les skittles.
  3. Quand je tire ma langue très fort je peux toucher mon nez.
  4. J’aime pas les gens qui ont un ego tellement gros que ça les étouffe dans gorge ça leur monte jusque devant les yeux et ils ne voient plus où ils s’en vont.
  5. J’ai jamais joué aux Barbies.
  6. J’ai un tattoo. Devine où?
  7. Je fall in love toujours avec les gars qui faut pas (ça tu le savais déjà).
  8. Je fantasme qu’un jour je vais rentrer dans une cuisine de quelqu’un que je connais pas pis je vais péter toutes les assiettes juste pour le trip.
  9. Paraît que je fais un risotto de la mort mais je t’inviterai pas pour que tu testes.
  10. Je connais pas trop mon alphabet à chaque fois faut que je chante la toune au complet pour savoir quelle lettre vient après. Je compte encore sur mes doigts.
  11. J’ai peur des aiguilles.

Avoue que tu es content de savoir tout ça.

Ok, les questions asteure.

  1. Qui'ce que t'es?
    • C’est une maudite bonne question. Un signe? Un cygne? On peut y aller avec ça pis laisser un peu de flou sur la question.
  2. D'où'ce tu sors?
    • Des fois je sors de mon appart, des fois je sors de la job. Ou encore d’un resto ou d’un bar. J’aimerais ça sortir plus souvent d’une salle de spectacle, d’une galerie ou d’un musée. Ou d’une porte qui aurait vraiment changé le cours de ma journée. Pas souvent ça m’arrive de sortir de la chambre de quelqu’un d’autre. 
  3. À quoi tu joues?
    • Toi hen à quoi cé que tu joues? Moi je joue à la tague.
  4. Qu'est-ce tu veux?
    • Que tu m’aimes.
  5. C'est quoi ton problème?
    • Il y a trop de caves sur la Terre.
  6. À qui tu dis «Ta yeule»?
    • À toutes les caves.
  7. Pour qui tu dis «Ta yeule écouteécouteécouteécouteécoute!!!!!»?
    • Pour ceux qui pensent qu’ils ont pas besoin de le faire, écouter.
  8. Qu'est-ce qui te procure des petits instants de bonheur ineffables?
    • Un corps qui arrive à me faire décrocher de ma vie. La première neige. Les lunettes de soleil les journées où il fait pas tant que ça soleil. Les livres mais pas tous. Danser et rire. Encore mieux si c’est en même temps.
  9. Y a-t-il de l'espoir? Parle-moi de tça, un peu, pour voir.
    • Tu veux vraiment qu’on se lance là-dedans? Est-ce qu’il y a de l’espoir… Ben non ya pas d’espoir. Juste de la grosse crisse de marde à l’horizon. Toujours la même en plus. 
    • Quoi? Tu voulais une autre réponse? Ben sûr qu’il y en a. On va arrêter Joseph Kony en 2012. Il y a des gens qui ont passé tous les niveaux de Angry Birds. Les Shafia sont en prison. Dans pas long, toutes les fourchettes de plastiques vont être remplacées par des fourchettes en plastique de maïs. Occupation Double va revenir l’an prochain. Ça te donne-tu pas espoir sur le futur de la planète ça rien qu’un peu? 
    • Mais tu sais, il y a plein de beaux gars. Le printemps arrive. La vie est belle.
  10. On t'annonce que tu hérites: 250 000 dollars, grand-oncle ou grande-tante inconnu et/ou e. Qu'est-ce tu fais? Comment tu réagis?
    • Sérieux?
  11. On t'annonce que tu vas mourir dans deux ans. Qu'est-ce qui s'passe?
    • Je pense que je reste bête une coupe de seconde. Pis je vois le film de ma vie défiler devant moi. Je trouve qu’il est vraiment mal monté ce film-là. J’appelle le réalisateur pis je lui dit « Ta yeule écouteécouteécouteécouteécoute!!!! ».


Ah l’amour




     © Universal Press Syndicate


Se reproduire



Il y a une épidémie de bébés ces temps-ci. Tout le monde tombe enceinte. Comme si elles s’étaient passé le mot. Ou autre chose.

Sacrament ça se trouve-tu dans une boîte de Rice Crispies maintenant, des bébés?

Avec qui je vais pouvoir dire « les bébés c’est comme les chiens : c’est fatiguant ça pue pis ça bave partout. »


Nuit grise avec un peu d’étoiles dans le ciel



Il était tard. Lui pis moi on était encore pognés là. Ça fait souvent, ces derniers temps, qu’on est à la même place au même moment.

On allait être pris là longtemps. Un rush à finir faut que ça sorte demain rien à faire. Pourquoi il y a juste lui pis moi encore ici? Pourquoi ça tombe sur nous? Des histoires de jeunes, paraît qu’on est les seuls à être capable de faire ça. C’est même pas de notre faute, on avait bien planifié nos affaires, c’est le client qui est bipolaire, ma boss qui rampe en dessous. En tout cas.

  • On commande-tu du Saint-Hubert?
  • Avec une caisse de bière?
  • Je pense qu’on va en avoir besoin.

Crémeuse pour lui. Traditionnelle pour moi. Les frites sont toujours molles quand ça arrive en livraison. Le pain est écrapou dans le fond. La sauce goûte ce qu’il faut, au moins. Un six pack de rousse. On aurait dû en prendre plus.

  • Ta blonde doit être en crisse, que tu rentres tard de même?
  • J’ai pas de blonde.
  • Ah non?
  • Ton chum?

Il a secoué la tête. Pas de chum non plus.

On a marché ensemble un petit bout pour rentrer. Au split de coin de rue on est restés silencieux. Si on avait eu des poches dans nos manteaux on aurait sûrement mis nos mains dedans. Je regardais le trottoir un peu et lui le feu de circulation.

  • Ok ben, à demain.


Aller aux vues



Dans la salle toute seule, à trois rangées du fond. Au milieu, pour avoir l’air entourée de quelque chose. Pas trop de gens. Pas trop proches, c’est fatiguant. Mais des bancs vides oui, j’aime ça. J’ai l’impression d’être dans un grand salon rien qu’à moi.

Le film commence, je mets mes pieds sur le banc d’en avant. J’ai enlevé mes bottes. De toute façon j’haïs ça garder des bottes dans mes pieds. J’ai les pieds tout trempes après je gèle.

Ça sent le popcorn. J’ai l’impression qu’ils ont acheté plein de Airwick à popcorn. Qu’ils en ont mis partout. Juste pour te donner le goût te faire chier de pas en avoir acheté. Veux-tu du beurre dessus? Oui partout entre tous les étages. C’est même pas du beurre. Du beurre c’est pas de même pis ça goûte pas ça. Ça c’est de l’huile de je sais pas trop quoi. Ça m’écoeure.

J’aurais dû prendre un sac.

Le monsieur à côté quelques bancs plus loin il en a pris. C’est peut-être un garçon. Il est avec une femme c’est peut-être sa fille. Quatre bancs. Je ne peux pas m’étendre subtilement. Scusez est-ce que je peux en prendre moi aussi? Ce n’est pas un joint qui se promène dans un show. C’est du popcorn au beurre pas de beurre. Oublie que t’en veux. Pense pas à ça. Le film commence.


Provoquer le destin : semi-check.



Salut.

J’ai comme sursauté en entendant ça je l’avais pas vu. Étonnant d’habitude j’ai un radar à lui. Mais je devais avoir la tête ailleurs. Le thé au jasmin ou pas? En sachet ou en feuilles? De quoi m’occuper pendant des heures de délibération.

Eille! Salut. C’est drôle on se croise partout. Ben oui hen. Plein de coïncidences la vie. C’est pas comme s’il y avait d’autres épiceries dans le coin mais quand même. 

Et il a continué son chemin. Juste comme ça. 

Je suis restée pétrifiée. Attends, non!

J’ai fait le tour des allées comme une damnée. Il avait disparu envolé pas là est-ce que j’ai halluciné? Bâtard il est temps que je trouve quelqu’un à frencher.

Je l’ai retrouvé dans le frigo à bière. J’ai attendu voire ce qu’il allait choisir – est-ce que ça vaut la peine de continuer à le trouver cute? Je suis snob de même. Ça allait.

Je voulais te dire, je te trouve beau depuis la première fois que je t’ai vu.

Dans le frette du frigo à bière, à côté du gros qui doit jamais sortir là. C’était épique.

Et je suis partie. Lui ai pas laissé le temps de répondre.

J’ai abandonné mon épicerie dans un coin et je suis partie à la course.




  • Tu fais quoi dans vie hen? À part travailler ici?
  • J’écris.
  • Ah oui, c’est drôle.
  • Pourquoi?
  • Pour rien juste de même.
  • Tu penses que j’ai pas l’air d’écrire?
  • Non non c’est pas ça. Vraiment pas.
  • Ben quoi?
  • Rien. Rien.
  • QUOI?
  • J’ai toujours trouvé ça sexy, un gars qui écrit.

Je lui ai pas dit, tu sais, pas autant qu’un musicien mais quand même c’est pas pire.

Et puis l’imaginer en train d’écrire des poèmes et d’avoir quelque chose comme une sensibilité, je sais pas. Ça m'a fait sourire. Je trouve ça adorable et impossible à croire.

Peut-être que c’est pas des poèmes, qu’il écrit.


(citation de Bukowski, pour les intéressés)


Si seulement c’était un rêve



Des fois je pense à Simon. Je me réveille au milieu de la nuit. Les soirs quand je m’endors pas encore. Et je pense à tout ce qui n'a pas été. Qui aurait pu être.

Pourquoi c’est pas arrivé?


De la culture et de l’élévation de l’âme



Amie Parfaite m’invite à un vernissage. Évidemment, personne va là pour regarder ce qu’il y a sur les murs.

On y va pour 1) le vin gratuit, 2) regarder qui est venu et 3) faire du name-dropping.

Je ne suis pas très bonne avec le name dropping. 

J’ai regardé j’ai regardé et j’ai pas trouvé. J’ai fait le tour de toutes les lunettes et de toutes les bretelles. De toutes les coupes de cheveux aussi.

J’ai regardé partout et j’ai pas encore trouvé l’homme de ma vie.

J’ai bu du vin gratuit.

J’ai vu une madame avec un chapeau de plumes. C’était pas Francine Grimaldi. Ça fait toujours ça de pris.


Mauvais bar



J’ai appelé Geneviève. Viens-t-en on s’en va se saouler.

Où ça? N’importe où tant que c’est pas rouge, qu’il y a pas de ti-cœurs ni de Cupidons, pas de bracelets pour trouver l’âme sœur, rien que te rappelle que toé, t’es pas en couple pis que eux, ils sont heureux dans leur gros bonheur sale. Un fondue au chocolat, beubé? Juste s’il y a des fraises et des litchis.

On a choisi les petites rues. On s’est dit que ça risquait moins d’être envahi. Un bar de quartier au coin de no name et cul-de-sac.

  • Je pense que je vais te prendre un shooter.
  • Deux.
  • De quoi?
  • Si c’est pas du Goldschläger ça va aller.

Gen se met à zieuter les deux gars à la table d’à-côté. Dans mon dos en fait. Moi, je les voyais pas. 

  • On est pas supposées être sur un raid anti Saint-Valentin? 
  • Ça veut-tu dire qu’on n’a pas le droit de cruiser?
  • J’imagine que non.

Elle me dit qu’il y en a un qui arrête pas de me regarder.

  • Il arrête pas de te regarder, je te dis.
  • Ben voyons il me voit même pas. Il peut pas trouver mon dos sexy à ce point là.

Je me retourne quand même.

  • Sophie!

C’était Gabriel aux yeux noisette. Ah ben shit. Malaise. Je fais quoi.

Je me suis levée. Parce que je suis polie. Deux becs salut ça va super et toi oui merveilleux. Et puis quoi dire? Tu m’as déjà gâché ma soirée, juste parce que t’es là.

Mais Gen elle a décidé qu’elle voyait rien aller de ça. Elle s’était tiré une chaise, assise à côté de l’autre. Pourquoi elle me met toujours dans des situations inconfortables?

  • Qu’est-ce tu fais de bon?
  • De la marde avec la bullshit on va quand même pas faire semblant qu’on est contents de se voir.
  • Ben moi j’suis content.
  • Il s’est passé quoi entre nous deux? Pourquoi t’es disparu? Je t’ai-tu fait quelque chose?
  • Hum ben heu je suis pas disparu. Tu m’as pas donné de nouvelles non plus.
  • Me semble que oui.
  • Ah ouais? Je sais pas. Je me souviens plus trop. Tu sais c’est que… Eille ça m’a pris trois jours nettoyer l’appart à cause de Sultan… T’avais pas l’air de trop savoir ce que tu voulais… Je sais pas j’ai juste. Ouais je sais pas. C’est comme ça.

Il a dû passer une après l’autre toutes les mimiques de face qu’il connaissait. Gars qui sait pas où se mettre version 1, 2, 3, 4. Gars qui fait semblant d’avoir un trou de mémoire version 1, 2, 3, 12. Gars qui fait semblant de pas être responsable et de pas comprendre pourquoi on est fâchée version 98, 101, 34. Et ainsi de suite.

  • Regarde je m’en fous au fond. C’est loin tout ça. Ce que je sais, c’est que j’ai pas le goût de te parler et que j’aurais mieux aimé jamais te revoir. Bye.


Des pneus plus tendres



C’est un titre volé à la Presse. Je pense que c’est le titre le plus priceless que j’ai jamais vu. Vous allez me dire, lis le journal plus souvent, mais bon.

C’est du sérieux, quand même, les pneus. Faut pas penser qu’ils ont pas d’émotions. Que c’est des durs-à-cuire. Qu’ils seront toujours prêts sur le piton disponible let’s go baby on va où aujourd’hui? Qu’on peut les utiliser comme ça sans rien leur donner en retour. Il y en a qui frenchent leur char depuis longtemps déjà mais les pneus. Y avez-vous pensé, aux pneus? Le pneu moderne veut se faire aimer. Il ne le dira pas très fort. Peut-être qu’il fera rien que le chuchoter mais il le pense pareil. Bang bang use and throw away. C’est fini ça. Écoutez-le. Rassurez-le.

Sinon peut-être qu’il va vous abandonner pour rien dans le milieu d’un tournant. Je sais pas mais moi si j’étais vous à ce moment je me dirais et marde j’aurais donc dû faire plus attention à lui.

Un pneu ça se fait flusher à toutes les années pour quelques mois. Ça reste là, fidèle, ça attend le retour du printemps. Ça se fait envoyer à la dompe à tous les quatre ans (j’ai pas d’auto c’est peut-être pas exactement ce timing-là, mais ça doit ressembler à peu près à ça). Et ça attend patiemment que vous reveniez le chercher.

Un jour, le pneu va se fâcher.

Mais d’ici là, moi je les trouve un peu mous déjà, les pneus.

Et on voudrait des pneus plus tendres? Come on, sont déjà assez feluettes comme ça. Aucun sens de l’initiative. Fuck all.



Février d’après toi, c’est-tu un meilleur mois que janvier? Que novembre?

On en a parlé longtemps. Plus de sloche, un peu plus de lumière aussi, mais pas assez. D’habitude il fait froid. Trop froid. Là on n’a pas d’hiver. C’est la Nuit blanche aussi, en février. Mais ça fait longtemps qu’on est tannés d’être emballés dans nos manteaux. On peut se dire que c’est presque fini, que bientôt on va pouvoir ressortir les terrasses. Bref, pas vraiment de conclusion. 

Il y avait deux clans. Comme toujours. Les optimistes et les pessimistes.

C’est sûr que c’est un mois qui fait chier moins longtemps que les autres mais février, c’est aussi le mois de la Saint-Valentin.

Et ça, c’est assez pour me faire détester février au complet.


Comfort food



Je suis arrivée trop de bonne heure. C’est pas mon genre.

Pas dormi de la nuit fait de l’insomnie essayé de compter les papillons – ça marche pas; les moutons non plus. Alors de la marde, je vais aller travailler plus tôt au moins j’aurai l’impression d’avoir pas dormi pour une bonne raison.

J’arrive jamais de bonne heure. Le matin tôt, c’est comme un monde que je connais pas. Je connais la nuit tard. Des fois c’est pas mal à la même heure. Mais t’es de l’autre côté du normal, tu te sens pas vraiment pareille.

7h, dans l’autobus. Fripée même pas pensé à me faire un café. L’autobus est plein. Ils font quoi, les autres?

On m’avait déjà montré le code du système d’alarme. Je l’avais écrit quelque part. Trouve le papier avant que le feu pogne. J’ai les clés. Tout va bien. Je suis prête à être la première au bureau.

Imagine, une journée qui finit à 15h! Ils me croiront jamais.

Mais bon peut-être que vous vous en foutez de mes exploits matinaux. Que vous vous levez tous les matins comme des champions même pas besoin d’en parler.

Michael il est arrivé tôt aussi. Qu’est-ce tu fais là as-tu passé la nuit ici?

  • Toi? Je pensais pas que t’étais du genre matinal.
  • Je suis quel genre, d’après toi?
  • Le genre à arriver fashionably late, et faire filer tous les autres comme des morrons pour avoir fait ce qu’ils devaient faire, pourquoi?
  • Ça t’arrive-tu de pas être baveuse?
  • Heu… J’imagine que oui.
  • As-tu déjeuné?

On a traversé au café en face. Il était encore assez tôt pour avoir un spécial deux pour un sur les œufs-bacon-patates.

  • J’ai pas dormi de la nuit il y a un fou qui me stalke. J’ai un peu couru après mais là j’ai peur d’être toute seule chez moi. Peur qu’il débarque, peur qu’il m’espionne. Peur qu’il ait détourné un satellite de la NASA pour me suivre partout.
  • De quoi tu parles?

Comment je pourrais bien lui expliquer ça, au fait? Je commence où? C’est à cause de Simon toute cette histoire, tu comprends? Il connaît pas Simon. Tu te rappelles des lettres à l’anthrax? Ça risque d’être pas vraiment clair ça non plus, comme entrée en matière.

  • Laisse faire ça, je fais de l’insomnie ces temps-ci. C’est tout.
  • As-tu essayé de lire la Bible?
  • Pardon?
  • Le livre de Job, c’est infaillible pour t’endormir. 

J’ai jamais su pourquoi lui, il était arrivé aussi tôt. J’ai oublié de lui demander. On est repartis dans nos bulles et après, la journée a passé comme un tourbillon.


Message non subliminal



Est-ce qu’on peut se rencontrer? Ça serait drôle me semble.

Ça s’en venait, j’imagine. J’ai hésité longtemps longtemps longtemps. Pourquoi pas? Au pire c’est plate.

Ok.

Une blind date.

C’était la première fois. Tu te pointes au bar, tu sais pas trop qui tu cherches; tu sais pas s’il est déjà arrivé. De quoi il a l’air? Il y a des filles, sûrement, qui auraient demandé une photo, pour être sûres de pas tomber sur un creep. Moi, j’y ai pas pensé. Je me voyais mal : une date? Ok. As-tu une photo? Ah sais-tu finalement je suis occupée tous les soirs de la semaine jusqu’à la fin des temps. De la fin de semaine aussi. Faut que je me fasse sécher les cheveux.

Tu spottes quelqu’un qui regarde autour. Es-tu ma blind date? Que tu dis. Sophie? Ouais.

Et là il y a comme un long moment akward. Pourquoi j’ai dit oui donc?

C’est pas qu’il est laid. Il est pas laid. C’est juste que tsé, c’est vedge.

De quoi on va bien pouvoir parler?

Finalement il a parlé tout le temps. C’était le fun, mais il y avait quelque chose de bizarre.

On parlait d’art, d’imagination, de création. Normalement ça aurait dû être cool. Mais je le sentais moyen. Pas trop tard, après deux bières, j’ai dit que je travaillais tôt le lendemain, que ça avait été bien de le rencontrer. 

Deux becs sur les joues, bye.

Trois jours plus tard je reçois dans la malle une vraie lettre avec un timbre dessus. Pour moi. De lui.

Mais il y avait pas vraiment de lettre.

Il y avait plutôt. J’hésite à vous le dire parce que j’ai freaké raide. Il y avait une feuille avec de la peinture rouge dessus. Vite ça aurait pu avoir l’air d’un dessin d’enfant. Une fusée genre. Mais c’était pas ça. C’était sa queue, trempée dans la peinture, étampée sur la feuille. L’innommable écart entre pensée et action, écrit à côté.

Une photo porno, glissée dans l’enveloppe. Comme si c’était pas déjà assez clair.

FREEEEEEEAK.

Quand c’est moi qui stalke les gens je trouve ça cute, mais pas quand c’est le contraire.

Comment il a pu avoir mon adresse?

Je pense que je vais déménager. Changer d’identité, fermer le blogue, et déménager. (Mais non je fermerai pas le blogue.)

Je veux plus te voir et plus jamais entendre parler de toi! Est-ce que c’est assez clair?

Fin du cyberflirt.



Paraît que les nuits sont trop longues, l’hiver



J’ai revu Marc à une fête. Finalement on est partis ensemble. Je sais pas pourquoi, c’était juste comme ça. Des fois c’est juste comme ça.

Il est s’est levé au milieu de la nuit est-ce que ça va t’insulter si je pars maintenant?

Oui, oui ça va m’insulter. Il y a pas moyen que ça m’insulte pas. Je suis pas un torchon crisse.

Mais un jour je vais pouvoir plogger dans une conversation avec des amies moi j’en cherche un qui fait ses nuits. Ça nous fera mourir de rire.


Bonne humeur contagieuse



Il est arrivé en retard tout magané je suis allée l’écœurer.
  • Ouais ça fêté fort hier?
  • Ça va hen, sans commentaire.
  • Tant que ça?
  • Toi quand t’arrives scrap est-ce que je t’écœure? T’arrive tout le temps scrap et je t’écœure pas.
  • Tout le temps t’exagère un peu. Mais ok ok c’est bon j’ai compris le message bonne journée faut pas te parler aujourd’hui.

Plus tard il est venu s’excuser.
  • Regarde c’est correct Michael c’est ta vie. Ça va pas top shape tous les jours. Il y a pas de problèmes.
  • Est-ce qu’on va manger ensemble?
  • Tu le sais que t’es bizarre depuis qu’on est revenus de Noël?
  • Ouais, je sais.

On est allés manger pareil. 

Je le size pas, ce garçon.


L’importance du savoir



Il m’a pas vraiment écrit grand chose depuis. Il me forwarde des liens de clips, des tounes. On parle de livres un peu. 

Savais-tu que la pêche a été le premier fruit mangé sur la Lune? Non, mais je savais qu’un jour, un homme a mangé un avion découpé en petits morceaux.

On apprend des choses fascinantes, avec les pen pals modernes.


[PIPA et SOPA]



Parce que c'est important d'en parler, que la censure est à la porte d'à côté, et que ça ne vise pas rien que le piratage informatique ni les droits d'auteurs des créateurs, je fais un crochet (encore) au thème général de ce blogue.

Je vous invite à aller lire l'excellent billet de Patrick Dion et à regarder le vidéo de Khan Academy, à la fin de son post, qui explique très bien les enjeux de ce projet de loi.

Merci à Douce Rousse de m'avoir décerné un prix sur son blogue.



En tant que récipiendaire, voici ce que je dois maintenant faire :
  • Recopier le logo sur mon blog
  • Citer la personne qui m'a décerné l'Award
  • Choisir 5 blogues que j'apprécie, que j'aimerais faire connaître et qui ont moins de 200 membres
  • Prévenir les 5 personnes nommées

Alors je choisis cinq blogues parce que c'est toujours le fun se faire dire je t'aime:

Les Prétentieuses parce qu'elles me font rire avec leurs garçons.

Crayon d'ardoise et pattes de mouches parce que c'est un beau titre et vraiment beaucoup plus que ça.

Fuck la vraie vie parce que même s'ils écrivent plus beaucoup je les aime encore pareil.

L'activité cérébrale incontinente parce que parce que. Elle est drôle elle aussi.

Profession: Dateur en série. Lui non plus il écrit plus beaucoup, mais vous pouvez vous taper des heures d'archives et rire longtemps.

De l’art subtil de la guenille



Je suis allée magasiner dans une boutique branchée de designer, pour un cadeau. C’est pas ça l’histoire.

C’est une toute petite place. Un vendeur. 

Je cherche pour mon amie. J’essaye une robe pour moi en même temps. Le vendeur wow! Super elle te fait tellement bien. Ça avait l’air sincère. Pas du wow de vendeur pour te vendre quelque chose.

Moi c’est Sébastien. Sophie, salut. 

On a jasé un peu. Je fais pas ça d’habitude avec les vendeurs. Il trippait sur Joe Sacco. On parle de BD. T’as pensé quoi du dernier Paul? Pas eu le temps de le lire encore. Moi non plus. 

Est-ce qu’il y avait un truc, entre moi et lui? Il avait l’air du genre de gars qui m’attire. Je serais peut-être restée mais il fallait que je parte.

Tu sais pour la robe, je suis pas certaine, je vais y penser, mais merci. En tout cas, t’étais vraiment belle dedans.

J’avais fait trois ou quatre pas dans la rue. Il est sorti. Hey attend! Me donne sa carte, appelle-moi s’il y a quelque chose. Me donne deux becs. Bien content de t’avoir rencontré Sophie.

Je vais à mon rendez-vous. Je sors, les boutiques étaient pas encore fermées. J’ai sa carte dans ma sacoche. Je pense à lui. Ah pis de la marde j’y retourne.

Salut Sébastien, je fais jamais ça mais je trouve qu’on a connecté tantôt drôle à dire je sais je te trouve beau je sais pas est-ce que t’aimerais ça me revoir?

Il rougit confus cherche ses mots oui enfin c’est parce que… c’est que… ma blonde, c’est la designer ici… Ah scuse, j’ai dû mal interpréter malaise je voulais pas hum ouais enfin c’est ça.

Mais oui, sinon, ça m’aurait tenté.

C’est vraiment le fun à savoir. Merci d’avoir spécifié.


Morning glory



Ça fait longtemps que je vous ai pas parlé du voisin mystère. Je prends l’autobus maintenant. J’avais pas encore réussi à m’asseoir à côté pour frotter mon coat sur le sien ça te donne-tu des frissons toi ‘si?

Mais aujourd’hui, oui.

Il embarque avant moi, s’assoit sur un banc double. Il restait de la place ailleurs mais pas tant que ça. L’autobus était pas vide au point que c’est akward me coller sur toi; il faudrait qu’on s’explique, que je te dise que je te trouve beau.

Il avait amené le journal j’ai lu par-dessus son épaule. Je fais toujours ça. Même à ceux que je connais pas que je trouve pas cutes non plus. Je lis toujours par-dessus l’épaule des inconnus dans l’autobus et dans le métro, c’est comme ça.

Il a fini par me regarder en veux-tu un bout? Non, je préfère lire par-dessus toi. Ça te dérange pas? Ben heu. Moi c’est Sophie on habite pas loin. Ok. Ben salut Sophie. Ça me dérange un peu quand même que tu lises par dessus moi. Prends-en une section.


Une fois n’est pas coutume



« À Chloé, une grande ville, les gens qui passent dans les rues ne se connaissent pas. En se voyant ils imaginent mille choses les uns sur les autres, les rencontres qui pourraient se produire entre eux, les conversations, les surprises, les caresses, les coups de dents. Mais personne ne salue personne, les regards se croisent un instant et aussitôt se fuient, cherchent d’autres regards, ne s’arrêtent pas.

[…]

Si hommes et femmes se mettaient à vivre leurs songes fugitifs, chaque fantasme deviendrait une personne avec qui commencer une histoire de poursuites, simulations, malentendus, heurts, oppressions : et cesserait de tourner le manège des fantaisies. »

(Italo Calvino, Les villes invisibles)

Tout nouveau tout beau



Je suis retournée travailler. Michael il était bizarre. Passait devant mon bureau pour n’importe quoi veux-tu un café? Je viens d’en prendre un. Il doit être froid viens en prendre un autre

Il me parlait pas, avant.

Pour moi il s’est fait assommer par le Père Noël et on va le voir, la semaine prochaine, tenir les portes d’ascenseurs pour les handicapés et aider les chars à sortir des bancs de neige si jamais il y en a.

Dans ses résolutions du Nouvel An il a écrit : sourire au moins une fois par jour; amener du café à Sophie.



You’ve got mail



J’ai reçu une lettre pas de timbre dessus. Pas signée avec du sang.

C’était une cyberlettre mais elle m’était quand même adressée à moi.

D’un cyberadmirateur. 

Secret je sais pas c’est qui. Secret peut-être que son nom c’est pas vraiment le sien. Peut-être qu’il m’admire pas non plus. Qu’il veut juste jouer à quelque chose. Ou qu’il existe rien qu’un peu.

J’étais contente pareil. C’est le genre de trucs auxquels on croit pas.

Je lui ai dit que j’écrirais sur lui. Avec tout le monde je l’aurais peut-être pas fait mais lui il m’a dit moi j’ai toujours voulu écrire des histoires avec toi dedans.

Toujours c’était peut-être un peu exagéré. Mais bon c’est ça qu’il a écrit.

J’ai décidé que la phrase se renversait. De toute façon je sais pas c’est qui; ça pourrait être quelqu’un d’autre.

Vous trouvez pas ça excitant?

Mais j’aurais préféré une vraie lettre qui passe par la vraie poste.

Quelque chose d’écrit à la main.

Mais je comprends que c’est moins évident.




C’est le temps des rétrospectives, des bilans et des résolutions.

J’en ferai pas. Tout le monde en fait.


La ville qui fond parce que l’hiver est mort




J’aime ça marcher dans les rues vides.

Me réveiller ailleurs, la tête à l’envers, et marcher.

Tout était fermé on aurait dit qu’un ouragan venait de passer. Il faisait printemps en plus. Je sais pas je suis où d’habitude, les premiers de l’an. Probablement trop maganée pour être dehors et réaliser que je suis la seule.

Je suis passée devant la banquise. Seul truc ouvert à des milles à la ronde. J’avais le ventre qui criait scrap. J’ai décidé d’en prendre une take out. T’as l’air un peu folle anyway, te taper une heure de file pour manger une poutine toute seule à dix heures du matin.

Faque je l’ai mangée dans le parc Lafontaine. Il y avait moi, sur un banc mouillé. Et des parents qui regardaient leurs enfants glisser. Il y a ben juste les parents qui ont assez d’énergie pour jouer le lendemain de la veille. La poutine est devenue froide avant que je la finisse; j’en avais eu assez, de toute façon.

Je savais pas où aller fêter. J’ai suivi des amis je me suis retrouvée dans un house party plein d’enfants avec des jeans serrés. Ça parlait anglais. Ça parlait allemand. Ça parlait espagnol. Ça parlait aussi peut-être d’autres langues que je connais pas. Ça frenchait partout. Comme un voyage dans le temps et dans l’espace.

McGill? Que j’ai demandé à la ronde.

Personne a répondu.

J’ai bu.

Quand ils ont commencé à crier 5-4-3-2-1 le gars à côté de moi m’a attrapée pour m’embrasser. Tiens, on échange de la salive. J’avais pas encore eu le temps de voir c’était qui.

Il a repris son souffle pour popper le champagne; j’avais pas l’air de faire du détournement de mineur. Il était cute. Une barbe de quelques jours. Pourquoi pas. C’est le jour de l’an.

Un gars s’est fait frapper par un autre, je sais pas pourquoi. Ça a créé une mini commotion. Est-ce qu’on appelle l’ambulance? Il saignait pas tant que ça.

Toi tu viens d’où? Heu, d’ici. Toi? De Bulgarie. Ah. Comment tu t’appelles? Tout le monde m’appelle Tod. C’est pas un drôle de nom pour un Bulgare? C’est Todor mon nom. Ok. 

Il m’a pas demandé le mien. Peut-être que je m’en serais inventé un. Olga. En fait je viens de Biélorussie. T’es pas blonde. Non c’est pour ça que je suis partie. 

Il parlait russe. Fuck j’étais bustée. Est-ce qu’ils parlent russe, en Biélorussie?

Il a continué de m’embrasser. 

J’ai du le suivre chez lui.

Il s’est assis sur son lit et il a commencé à gratter sa guitare. J’ai trouvé ça étrange. C’est comme un rituel. Il faut que je joue avant d’aller dormir. T’avais l’intention de dormir? 

Je lui ai sauté dessus, il a oublié la guitare. 

Il avait pas vraiment de lit. Pas vraiment de draps. Pas vraiment de chambre. Juste un matelas par terre. Mais il avait un grand mur de briques. All right j’aime les murs de briques.

Le matin, le pas de lumière entrait par la grande fenêtre sans rideaux. Trop pour continuer à faire semblant de dormir. Je me suis vue dans le miroir. Du masacara jusqu’au menton. Shit. Rien d’autre que du savon en barre qui brûle les yeux. Je trouvais pas ma robe.

Tu sors de là t’as l’impression que tout le monde voit rien que ça. Ta robe avec pas assez de tissus dessus, ton masacara partout dans ta face. Tu marches encore croche.

Mais t’es toute seule dans la rue alors c’est pas grave; personne te voit.

Avant de partir on a baisé encore. On a accroché la guitare un peu. Ça fait striiiiing il a failli paniquer. 

Bonne année, Tod.