El party de bureau – suite



Michael il est venu finalement. Il doit vouloir une promotion. Il a sorti son petit sourire d’anglo quand je lui ai demandé s’il avait pas quelque chose de plus important à faire qu’être ici. Genre présider au grand bal de Cannes. Peut-être qu’il m’a dit qu’il était là pour mes beaux yeux. Correct j’ai compris je suis pas la seule à pouvoir être baveuse. 

J’aimerais vous dire que je me suis réveillée à côté de lui. Que c’était génial.

Mais c’est un monsieur monsieur qui a plutôt essayé de me pickuper. Dans un bar où on est sortis après.  Sa bedaine tirait un peu sur les boutons de sa chemise. Il était tout enrobé de sucre. Son collier disait daddy dans son cou. Qu’est-ce tu manges pour avoir des yeux de même?

Voulez-vous ben me lâcher avec mes yeux crisse?

Je lui ai répondu quelque chose comme c’est approximativement intéressant et je suis partie.

Je suis rentrée toute seule. Me suis cassé un talon en chemin. Jamais été douée avec les retours.

J’ai passé devant un bar pas loin de chez moi avec un tapon de fumeurs devant la porte. Je me suis arrêtée, j’ai fait sembler de gosser après mes souliers. Y’avait rien à faire mais je sais pas, j’avais pas le goût d’arriver tout de suite. J’aurais aimé fumer.

Je me sentais légèrement à la mauvaise place. J'attendais après rien. C'est toujours louche ça.

Il m’a demandée du feu. Je l’avais pas vu arriver. Sa cigarette était déjà allumée. Tu vois pas que je suis occupée à essayer de réparer mes souliers pétés? J’ai juste souri un peu. Je l’avais pas regardé encore.

  • On se connaît hen?
  • J’ai l’impression que je t’ai déjà vu quelque part, ouais. Mais je pourrais pas dire où.
  • Qu’est-ce tu fais?
  • Je prends une pause. Je suis gelée jusqu’au genou. J’sais pas si t’as déjà essayé de marcher avec juste un talon mais ça va pas le yâble.
  • Non, j’imagine que t’as jamais essayé.
  • Pourquoi t’as pas pris un taxi?
  • J’ai pas pensé. Ça vient juste d’arriver.
  • T’es une amie à Karine! (illumination de sa part)
  • Ouais…
  • On s’est rencontrés dans un party.
  • Ok… 
  • Chez Flavie.
  • Oh!...
  • Alex.
  • Oui. Avec Karine vraiment saoule qui essaye de nous matcher. Super malaise. Je me souviens. Ben salut.
  • Je finissais ma bière et je rentrais. Veux-tu un lift?

J’étais pas vraiment dans un état pour dire non. Je l’ai suivi dans le bar.

Il m'a demandé si je pensais que le monde allait exploser en 2012. Je l'ai regardé drôle je pense. 

  • Tu sais pas de quoi je parle? C'est une théorie inca.
  • Ah. Tu penses que c'est pire que le bogue de l'an deux mille?
  • La fin du monde Sophie!, tu sais pas ce que ça veut dire? Oui c'est pire que des ordis qui explosent!
  • C'est pas plutôt une prophétie maya?
  • De quoi tu parles?
  • C'est pas une théorie inca. C'est maya.
  • Ça change quoi?
  • Bof je sais pas. Pas grand chose j'imagine.

Il m’a ramenée, pas trop longtemps après.

En arrivant devant chez moi il a coupé le moteur. Il a pris une grande respiration. Il s’est retourné.

  • En tout cas Sophie, je te souhaite un très joyeux Noël à toi. J'espère que tu vas passer des belles fêtes. Plein de bonheur. Bonne nuit. Repose-toi bien t'as l'air fatiguée.
  • Ok.
  • Heu je veux dire toi aussi.

Étrange soirée.


El party de bureau



Carole va danser sur la table. Elle va prendre le néon pour une boule disco et elle va finir par tomber à terre. En se relevant elle va faire semblant que personne l’a remarquée. Elle rira fort.

Annie va cruiser Stéphane… encore. Stéphane va se pousser de bonne heure… avec Julie.

Isabelle va essayer de matcher tout le monde. Surtout Krystelle avec Benoît. Non mais regarde-les se faire des beaux yeux pis être trop gênés pour se parler m’a t’arranger ça moé.

Sonia va débarquer avec une robe trop chère, trop décolletée, trop brillante et va s’arranger pour se faire remarquer. Si on est chanceux il y a peut-être une boule qui va sortir, le temps de prendre froid. C’est Steve qui va lui tourner autour. Elle aurait préféré Martin. Elle est mariée et nous rappelle à longueur de journée que le bonheur conjugal, c’est le pied.

Éric va passer la soirée collé entre la machine à café et la photocopieuse. Il ne fera de eye contact avec personne. Pour l’occasion, il se sera mis une cravate.

Demain, Jean-François aura mis toutes les photos les plus louches en ligne sur facebook. Il les aura commentées soigneusement, avec tout le gras qu’il est capable de mettre autour de l’os. Ce soir, ce qu’on verra de lui, ce sont ses boutons, derrière la lentille de sa caméra.

Michael sera trop beau pour se pointer. Il est trop cool et trop toute pour s’abaisser à ce genre de mondanités. Il préfère la Buvette. Il prétextera une excuse bidon, genre ma cousine vient d’accoucher, je dois aller au shower, mais vraiment j’aurais aimé venir. L’an prochain? Promis.

France ne fera qu’une brève apparition. Pour pas gâcher le party, qu’elle dira. Elle ne voudrait pas qu’on se retienne parce qu’elle est là et qu’on boit sur son bras. Elle sera smatte mais personne n’osera vraiment lui dire de rester.

Et moi je ne sais pas. Je serai un peu à l’écart. Avec Mélanie, Vincent et Samuel. On boira trop sûrement. On chialera contre tous ceux-là. En ne se disant pas qu’au fond, on aimerait bien danser sur la table, se faire matcher sans avoir à mettre d’effort, profiter de la débauche annuelle pour flasher, rire de tout le monde ouvertement sur fb, ou avoir le courage d’assumer notre critique et ne pas se pointer, tout simplement.

Vers minuit, quelqu’un commencera à dire – trop fort – à quelqu’un d’autre tu le sais hen que j’t’aime ben, au fond. Même si je te fais la vie dure…

Ça sera le signal de départ.

On finira la soirée quelque part. Les jeunes. Et demain, on aura mal à la tête.

Si on est rentrés accompagnés de quelqu’un du bureau, on mentionnera un genre de plus jamais. On fera une blague sur Stéphane, qui le fait à chaque party. Et le tout finira dans un pouet pouet un tantinet malaisant. Après, on fera semblant que c’est pas arrivé.

C’est comme ça qu’officiellement, le temps des fêtes sera lancé.

Réjouissons-nous.

Nowel bientôt



C’est ce temps-là de l’année. Encore. Dieu que l’année a passé vite. Les lumières et les sapins sont sortis. La crisse de musique du temps des fêtes aussi.

Y’a les couples d’amoureux qui magasinent ensemble main dans la main. Mitaine à mitaine plutôt. Ils se voient pas à travers la brume dans leurs lunettes mais ils se trouvent beaux quand même.

Moi je fais des allers-retours sur Mont-Royal juste pour m’écraser leur bonheur dans la face.

Il y avait un couple gay arrêté devant la vitrine d’une animalerie. Leurs suits matchaient ensemble. Il y avait du mauve dedans. Ils parlaient du coussin qu’ils allaient acheter à leur chien, et de ce qu’ils allaient lui cuisiner pour Noël. J’étais tellement en tabarnak contre la vie que je me suis arrêtée derrière eux et j’ai crié : Est-ce que vous pouvez être plus cliché que ça s’il vous plaît! Même Martha Stewart serait gênée. Ça devrait être illégal, les suits qui matchent. Vous vous êtes pas vus avant de sortir de chez vous?

C’était tellement gratuit.

Ils se sont pas retournés. Peut-être que j’avais pas crié au fond. Que j’y ai juste pensé tellement fort que j’ai pensé l’avoir fait. Peut-être qu’ils étaient sourds, en plus d’avoir un chien. Peut-être qu’ils étaient au-dessus de tout ça.

Et si c’était ça l’amour? 

Prendre le risque d’avoir l’air ridicule à deux et s’en foutre. Être game de dire quelque chose comme « tu es le soleil de ma journée », « non c’est toi mon lapin » et ne même pas mourir de rire en s’entendant le dire.

Pour Nowel je vous souhaite de la neige qui brille dans vos yeux, de la simplicité, des popsicles et pourquoi pas, le risque du ridicule.

Classique



Je l’ai rappelé, Marc.
Parce que je suis faible. Pis que pis que. Ben c’est ça. Faut s’occuper la tête avec ce qu’on peut.

J’aurais pu rappeler Gabriel aux yeux noisette. Mais m’abaisser jusqu’à lui courir après? Je sais pas. Marc ça me semblait plus simple.

Ou Yan. Ça fait longtemps que j’ai pas vu Yan. Je l’aime bien quand même. Mais on s’était dit qu’on arrêtait. Que c’était trop n’importe quoi. Qu’on finirait par s’attacher. Scandale! Qu’il fallait pas, surtout. Pas lui avec moi et moi avec lui. Peut-être que je vais le rappeler.

Mais Marc.

Marc.

J’ai fini par dire ouais salut ok on ira prendre un verre.
Il s’est pointé.

On s’est dit des niaiseries pour trouver des prétextes d’étirer un peu la soirée. Quand on est partis il a fait semblant d’avoir froid. Ça se fait encore ça?

Il m’a suivie jusqu’à chez moi. Je lui ai donné un char de marde tout le long. Il m’a dit que je lui avais pas vraiment laissé de chances. Qu’on se connaissait pas. Que l’ex était revenue dans le portrait. Que l’autre soir au party c’était compliqué. Que blablabla. Es-tu encore fâchée?
Non. J'aurais peut-être dû répondre oui.

Rendus devant ma porte j’ai dit : Je sais pas tu t’en allais où mais moi, j’habite ici.

Il est entré.

À moment donné on est partis à rire en même temps.

Après, j'ai oublié.


Nostalgie [nɔstalʒi] n.f.



Dans un moment de désespoir j’ai rappelé mon ex. Phil-l’ex l’ex-Phil, celui qui se promène sur Mont-Royal avec une pétasse blonde accrochée à son bras celui à qui je parle plus vraiment. Rien à dire comme.

Mais des fois t’as besoin de parler à quelqu’un qui te connait trop.
  • Toi hen tu t’en sors comment avec la vie es-tu amoureux es-tu heureux est-ce que toute tes matins sont plus que la veille pis t’as le goût de mettre du Nutella sur tes toasts pour rien juste parce que c’est bon pis que tu t’en sacre de ta santé parce que t’es assez heureux pour balancer?
  • So? 
  • Moi des fois quand je traverse la rue j’ai le goût de pas arrêter pas regarder continuer de marcher juste pour tester mon karma pis voir si mon karma veut que je me fasse frapper parce que tsé c’est important le karma ça te suit longtemps t’es aussi bien de vérifier de temps en temps si c’est encore ton ami il a une blonde je capote avant il en avait pas pis là il en a une c’est quoi cette ostie d’injustice de merde c’est quand un bon timing?
  • So, ça va?
  • Tu penses-tu que ça existe toi des gars qui sont pas des crisses de lâches ni des crisses de chockeux pis qui pourraient trouver genre, que j’suis fantastique? Je sais t’es un gars pis t’as déjà trouvé ça faque c’est une drôle de question j’ai même pas vraiment besoin que tu répondes en fait je sais pas pourquoi je t’appelle je sais qu’on se parle plus mais des fois j’ai le goût d’oublier le temps de fermer les yeux j’arrive à pas me rappeler que ça marchait plus pantoute pis je me dis que c’était donc ben merveilleux quand c’était facile qu’il y avait quelqu’un à côté à tous les matins pis que j’avais même pas besoin d’y tordre un bras.
  • Veux-tu qu’on aille prendre un café?
  • Je capote quand je me ramasse dans un souper plein de couples heureux de la vie qui se tiennent par la main en me demandant si j’ai réussi (enfin) à entrer comme eux ou à revenir dans le vrai monde des grandes personnes qui vont faire des bébés bientôt pis qui sont capable de compléter les phrases de l’autre sans se trouver quétaines.
  • J’ai le goût d’enlever ma peau pour sentir tout le monde me toucher pour que ça arrête d’être tout le temps aussi compliqué comme si j’avais rien d’autre à faire dans vie que courir après des chars de marde
  • Heu
  • Je me dis que je crois pus à rien. Même pas à l’amour juste que deux et deux font quatre pis que ça, ça vaut rien ça me sert à quoi moi, dans la vie, de savoir compter jusqu’à quatre? Je pourrais ben compter jusqu’à deux ou jusqu’à mille ça servirait encore à rien. Pourquoi aux enfants à la maternelle on leur montre comment faire des boucles avec leur souliers et rien d’important comme genre, comment ne pas toujours tomber sur des trous-de-culs dans la vie?
  • Ahen.
  • Pis
  • Écoute Sophie…
  • En plus l’autre soir
  • So!
  • Quoi?
  • Ben
  • Ouais ok je comprends. Merci de m’avoir écoutée. Mais tu sais d’autres jours je m’arrête je regarde le ciel il me pleut de la marde dans face pis 
  • So. Ma grand-mère est morte hier. Comme pas la tête à ça. Tu vas trouver quelqu’un, ok.


Sans titre


J’ai pas dormi de la nuit. Pas l’autre avant non plus.

Je suis rendue une crisse de zombie.

Je dors pas depuis l’hôpital en fait.

Pis je pense que je dormirai plus jamais.


*

On est allés prendre une bière. Dans une place où il y a ben du bruit mais tu danses pas non plus. Genre tu peux te parler mais faut que tu cries un peu fait que ben vite t’as mal à la gorge pis tu parles moins.

Tu bois plus.

Lui il regarde partout autour.

Tu te dis qu’il a peut-être encore mal à la tête.

Tu lui demandes. Non ça va il s’en est remis.

T’as le goût de lui parler de ta grand-mère et de son caniche rose mais tu te ravises à temps : ça ne doit pas l’intéresser. Tu pourrais lui parler de ta job mais même toi, elle ne t’intéresse pas.

T’essaye de parler de musique un peu mais tu sais pas vraiment quoi dire. T’aurais pu lui parler du dernier show que t’as vu, mais finalement t’es pas allée parce que t’as attendu avec lui à l’hôpital.

Tu hausses les épaules pis tu regardes le couple se frencher à la table d’à-côté. Dans ta tête, tu les envoies chier.

T’aimerais ça avoir un journal à feuilleter. Le journal n’attend jamais de toi que tu dises quelque chose d’extraordinaire qui fera décoller la soirée.

Tu remarques qu’il a déjà fini sa bière.

Moment critique. T’as peur qu’il parte.

Arrête de boire. Tète la tienne. Il pourra quand même pas partir si t’es encore en train de boire pis il pourra pas toffer sans boire : il va en prendre une autre.

Comme de fait il zieute ton verre pas encore assez vide et il se commande un refill.

Tu te demandes pourquoi tu veux tant qu’il reste.

Au fond. Pourquoi?

Parce qu’en fait, tu t’emmerdes. T’aimerais donc ça que ça soit la meilleure soirée de ta vie. Mais c’est pas ça.

C’est là qu’il te dit qu’il est amoureux. Qu’il vient de rencontrer une fille. Qu’elle est trop toute. Qu’il s’en attendait pas. Qu’il croyait plus à l’amour.

Tu penses à Brun Brun et à PG.

Tu dis rien.

Tu te lèves. Tu payes pas. Tu pars.

T’as le goût de vomir.

Il te court après. Tu l’entends pas t’as ton ipod tellement dans le tapis que tu vas donner mal aux oreilles du voisin. Y’a pas de voisin.

Il te rattrape par le bras. Tu rêves de continuer la swing pis d’aller écraser ta main dans sa face.

Tu restes impassible. Tu sais pas pourquoi.

Il s’excuse savait pas trop comment te le dire voulait pas que tu te fasses d’idées pour rien. Mauvais timing tsé tu comprends.

T’aurais préféré qu’il te coure pas après. Au moins t’aurais eu l’impression qu’il te restait un peu de dignité.

Léonie est sale



Tantôt je suis allée faire un tour de poussette.

Si vous voulez l’histoire longue, je suis allée prendre une marche avec Gen, qui gardait sa nièce. Léonie. Un an et demi. Chocolat dans face et lulus pas symétriques.

On a joué à se rouler dans la bouette dans le parc. Il fait chaud encore pour le mois de décembre. On a fait des courses à obstacles autour d’arbres qui n’existent pas. On a découvert l’Amérique. Vraiment creux dans le pit de sable. On a jammé avec des branches sur des troncs d’arbres et des poubelles. On a tout fait ce qu’on pouvait pour exténuer la petite. Pour qu’elle fasse une longue sieste et nous sacre la paix un bon deux heures. Elle riait tout le temps.

L’homme. Le monsieur-là. Celui qui passait pas loin avec ses enfants propres il s’est arrêté et il nous a dévisagées.

Il a fait un détour pour venir voir de plus proche et il a dit : ça a pas de bon sang mademoiselle de lancer partout cette enfant-là. Vous allez la rendre malade et en plus, vous lui inculquez de mauvaises valeurs. La politesse. Le respect des objets. Le savoir-être en société.

J’avais le goût de lui cracher dessus.

Eille toi chose. Regarde comme tes enfants ont l’air dépressifs.