Le voisin



Mon voisin il fait du lavage à tous les jours. Tous les jours!

Ses draps. Ou une chemise et une serviette. Une guenille. Une autre chemise.

Je me demande s’il a une machine à laver ou s’il lave deux morceaux à la main à tous les jours. Faudrait que je lui demande.

Il sort jamais de chez eux. Je pense qu’il m’espionne.

Je suis sûre que si je vais chez lui, je vais trouver ma photo pinnée sur le mur. Et mes habitudes de vie sur des post-it jaunes collés autour. Et les garçons. Et les non-garçons de ma vie. Tout ça collé sur un polaroïd de moi. Tellement qu’on ne voit plus ma face. Je pourrais lui dire que j’écris un blogue. Que ça serait moins de trouble pour lui de le lire au lieu de m'espionner.

Je pense qu’il a aussi les photos de mes autres voisins. Avec leur vie. Leurs amours. Leurs routines.

Que tout son mur est tapissé de toutes nos vies.
Un post-it par connerie. Par habitude. Par détail croustillant.

Je suis sûre que c’est comme ça.

Et que le matin, après sa messe vaudou, il lave une chemise, une guenille et une serviette.

Ça doit être un rituel.

Aujourd’hui, sa serviette est mauve.


Les surprises ne sont pas toujours mauvaises



On s’est rejoints dans un bar. Question que personne m’appelle pour me donner des raisons de chocker, j’avais pas amené mon cellulaire.

On s’est pris un double mojito, en se disant qu’on déciderait pendant ce temps-là ce qu’on ferait de notre soirée. À la fin du verre, on n’avait pas décidé. On en a pris un autre.

Je commençais à être pompette feeling un peu. C’était pas plus mal. Mais je commençais surtout à me dire qu’il était temps que je mange quelque chose, si je voulais pas finir sur le cul à 21h.

On est allés souper. Sur une terrasse. C’était bon et beau.

On s’est commandé un pichet de bière. J’avais pas le goût de penser.

On parlait de n’importe quoi. De nos amis dépressifs qu’on ne peut plus sentir, de la vie, du travail, de combien ça nous fait chier de travailler pour quelqu'un d’autre. Et de toutes ces choses dont on parle quand c’est facile parler avec quelqu’un.

Il a payé pour moi. J’ai trouvé ça cute.

En sortant du resto il me dit : on fait quoi? Veux-tu une crème glacée? J’ai aussi du vin chez moi.

J’étais bien, j’ai dit : on peut aller prendre un verre chez toi.

Je sais même plus s’il a eu le temps d’ouvrir la bouteille.

Il m’a embrassé. M’a dit qu’il était content que je sois là. Que si je voulais dormir chez lui, c’était correct, il avait de la place dans son divan.

Normalement j’aurais pas trouvé ça drôle mais là, presque.

On s’est frenchés dans toutes les pièces de son appartement.

C’était vraiment plus le fun que j’aurais espéré.

J’ai pas dormi. Lui non plus.

À matin je suis partie en retard pour le bureau. Et je suis arrivée avec mon linge de la veille. Moyennement approprié.

J’ai décidé de laisser aller et de voir ce qu’il va se passer.

J’essaye fort fort de pas penser à Simon, surtout.



Amie Parfaite m’appelle. Elle me dit qu’elle a croisé Gabriel aux yeux noisette l’autre soir et qu’ils ont parlé un peu. (De moi.) Elle veut pas s’en mêler mais me dit qu’il a un peu de misère à me suivre.

Join the club, que je dis.

En tout cas si jamais tu veux le revoir, lui, il t’aime bien.

Est-ce que j’ai parlé de Simon à Amie Parfaite? La première fois, oui. Jusqu’au frenchage dans le divan au party. Ça, elle sait. Elle m’a remonté le moral après. Mais le reste. Pas sûre que je lui en ai parlé. Pas sûre que je vais lui en parler.

Ça me tente pas d’entendre ses conseils pour gens zen qui attirent le bonheur.

Je sais pas quoi faire avec Gab.

Objectivement, il est parfait.
Et moi je cours après l’autre taré.
Ça finira mal, c’est clair.

Mais elle me disent toutes de lui laisser une chance. Que je serai peut-être charmée malgré moi.

Ok je vais l’appeler. Je vais lui laisser une chance. Une.

Je veux pas le niaiser non plus. Tsé.



S’il pédale pas, je fais quoi?

Sérieux là.

Ça fait deux, trois jours. Il m’a pas encore appelée. Je commence à avoir plus qu’étiré mes chances et je pense même que j’abuse.

D’habitude j’aurais arrêté bien avant.

Mais je suis sûre qu’il m’aime bien. Même si peut-être qu’il le sait pas encore…

Il va freaker raide hen si je l’appelle/débarque chez lui/à son bar/dans un autre de ses shows, non?

Pourquoi, pourquoi c’est compliqué de même?

Pèlerinage en des terres éloignées



Sur MySpace j’ai trouvé la date de son prochain show. C’était hier, dans une ville de région perdue. En banlieue mettons. Avant d’y aller, sur la carte, j’étais pas trop sûre elle était où, cette ville-là. Mes excuses de citadine à tous ceux qui n’habitent pas l’île.

En tout cas. Je traîne Karine de force. Elle a une auto, pas moi. Et elle aime bien Antoine, qui sera peut-être là, qui sait?

La salle est tout petite. Dans un moulin, ou quelque chose du genre. On est arrivées trop tôt. Il y a ceux qu’on imagine avoir organisé le show, et trois autres filles qui ont l’air d’être leurs amies.

Et nous deux. On clashe.

On se prend une bière et on va s’installer au fond. Remarque, il y a pas vraiment de fond. Je cale ma bière et je vais en acheter une autre. Il me faire boire ce garçon. Et il est même pas encore arrivé.

Il doit bien se passer une demi-heure avant que les gens commencent à arriver. Puis, lui. Je sais pas s’il m’a vu. Il devait pas s’attendre à me voir là. J’ai regardé ailleurs quand il est arrivé. Épaisse. J’ai regretté d’être venue dès que je l’ai vu. Il va tellement me trouver mongole. Estie de stalkeuse. C’est maintenant que j’aimerais avoir quelque chose de brillant à dire.

J’aimerais qu’il pense pas que je suis une groupie obsédée. J’aimerais vraiment ça. Mais il a le don de toujours faire sortir le pire de moi.

Il me voit. Je dois être rouge-mauve. Au moins, il fait noir.

Il vient me parler. Je capote tellement que j’arrive pas à bouger. Ni à sourire. Karine disparaît aux toilettes. J’aimerais mieux être n’importe où ailleurs. Pourquoi je fais toujours les pires choses?

-       Je savais pas que t’habitais dans le coin.
-       C’est que j’encourage le tourisme en région éloignée.
-       Ok… Ça va?
-       Oui. Je pense que ton répondeur est fucké.
-       Heu… Tu sais So
-       C’t’une joke. Je suis venue parce que j’aime ce que tu joues. J’aime les road trips niaiseux même si c’est en banlieue. J’aime les surprises. J’ai appris cet après-midi par hasard que tu faisais un show et je suis venue. Pas réfléchi plus que ça. Si tu veux pas me parler, c’est correct. Si tu veux me parler, c’est correct aussi. Si tu veux aller te cacher backstage et te pousser en courant à la fin du show pour être sûr de plus jamais me revoir, je vais m’en remettre. T’as juste à me le dire là, ça va être plus simple. Je vais arrêter.
-       Es-tu toujours intense de même?

Au moins, je l’ai fait rire.

Il s’est assis. Karine est pas revenue. On a jasé jasé. Pris une bière ensemble. Il y a eu les étincelles dans les yeux. Les deux. Je suis pas folle. On peut pas se tromper sur ces trucs-là. (Ok, on peut.)

Puis, il devait aller se préparer, pour jouer.

Karine est réapparue. Et moi j’étais dans les vapes.

Au milieu de son spectacle, il a dit : celle-là est pour toi, Sophie.

J’ai failli m’évanouir. Heureuse heureuse sourire bonheur je t’aime le sais-tu?

Juste avant que ça finisse j’ai dit à Karine, on part maintenant.

-       T’es folle?
-       Il faut qu’on parte maintenant. Je serai jamais capable si tu me traînes pas dehors tout de suite. Envoye on s'en va.
-       Ça sert à rien que je te dise comment je te trouve weird ce soir?
-       Non ça sert à rien. Qu’il pédale un peu le beau Simon.

On est parties. Sans qu’il puisse me courir après avec le vent dans les cheveux jusqu’à ce qu’on frenche comme des fous.

Et j’ai tellement rêvé…

Un faux post



Dans le sens de pas un post Fuck-you-Francis-le-blogue-sans-rancune-vraiment. Un post qui ne devrait pas être ici. Mais qui est là pareil. C’est de sa faute à lui. Et de sa faute à elle. Et du Tag des boulamites. Ressortir un vieux texte à prétention littéraire et le recopier avec un minimum d'explications contextuelles, pour le plus grand plaisir de tous et toutes.

J’avais dix-huit ans. Dix-neuf peut-être. Je surveillais un entrepôt vide plein de poussière. En haut, des gars construisaient un studio de son. Et moi je passais mes journées assise, dans les marches, à regarder le mur où y’avait rien à regarder et des fois par la fenêtre aussi. Il y avait un garage avec une pancarte devant. C’est ça que je voyais. C’était au coin de Papineau Saint-Gregoire. Ça doit être encore là mais moi j’y vais plus. Pas souvent en tout cas.

Des fois j’écrivais à une de mes amies qui faisait du chain photocopiage dans un grand bureau avec des gens importants. Elle classait des classeurs aussi. On s’envoyait des lettres. Des vraies, avec des timbres dessus.

C’est un extrait de lettre que je copie ici. Je vous épargne le pire – ou le meilleur -  et la plupart des jokes sur la lutte des classes, la banlieue et l’amour. (Ah, le Cégep.)

Ça va comme suit, et je sais même pas quoi en dire. Ouch? Ça s’appelle Les Chroniques de Papineauville (tsé tu fais dans l’original ou pas) :

Première partie, pseuso-lyrique

Le derrière enfoncé dans les marches d’escaliers, les yeux au loin, mâchouillant les ongles sales de ses doigts rêches, elle regardait le train passer.  C’est le cas de le dire. L’interminable suite des wagons cargo défilait lentement devant ses yeux.  Monotones et fades, ils lui rappelaient sans pitié la récente tournure qu’avait prise son existence.

La routine!

Elle se rappelait mélancoliquement l’époque pas si lointaine où son existence comportait encore quelques surprises.  Trop de temps pour penser qu’elle se dit.  La journée à tourner en rond dans sa grande cage de béton, à essayer de comprendre où le temps disparaît. […] Lentement écrasée par la poussière ambiante, elle cherchait une solution, avant que l’énergie ne vienne à manquer, les convictions à s’effriter, avant que son cul ne laisse définitivement une marque sur le palier d’escalier, ou que l’endroit ou son dos s’appuyait sur le mur ne laisse une marque plus foncée, contrastant la fine poussière qui s’accumulait sur le mur.

Deuxième partie : Le Royaume de Papineauville

[…]  Pendant que je rigole en voyant les passants se regarder dans les vitres miroir, ignorants comme de raison qu’ils ne sont pas seuls, aveuglés un instant par le syndrome du toupet-dans-les-airs ou du mascara-qui-fait-des-mottons, je constate que je règne sur un royaume. 

Un royaume de six colonnes,  seize fenêtres (miroir!), une porte de garage et deux portes simples, de même qu’un plancher de béton nouvellement sablé, un plafond maintenant beige, une poubelle, quelques planches de bois et un tas de ferraille, où malheureusement, nulle âme ne vive.  Je possède, par contre, un trône de quatre marches encerclé par de branlants garde-fous poussiéreux.

 […]

Heureusement, nous entretenions de très bonnes connexions avec le pays voisin, En Haut des Marches, qui s’était personnellement donné le mandat de me désennuyer lorsque mes fonctions de pouvoir ne suffisaient pas à me tenir occupée toute la journée.  Je fis donc la connaissance du maître De la Perceuse, donc je devins très vite l’apprentie, du duc De l’Improductivité bricoleuse, qui était, par contre, 6e dam, trois petites barres dans l’art du PR, du téléphone sur l’oreille et des tites jokes à clin d’œil.  Y vivait aussi le grand sage qui buvait beaucoup de café (que je tenais d’ailleurs en partie responsable des incessantes visites de Buffet Mobile), ainsi que deux subalternes de moindre importance hiérarchique, subissant la plupart des injustice réservées à la jeunesse, dont la plus frustrante est surtout de se faire de se faire déléguer le travail dont personne ne veut.



Jeu coquin cocasse



J’étais sur le balcon, un peu saoule. Tard hier soir. Un peu gelée aussi. Un char noir avec un aileron se stationne devant chez moi. Exactement devant moi. Si ça avait été mon lift de princesse pour aller quelque part, le gars aurait pas pu mieux se stationner.

En tout cas. Ce que je remarque, c’est qu’il n’éteint pas son moteur. Ça m’énerve les gens qui laissent rouler leur moteur pour rien. Dans ma tête je leur crie toujours qu’ils polluent et que ça prend quoi, deux secondes, couper un moteur.

Alors le moteur roule et l’auto bouge pas. Ils sont deux. La fille, elle est de dos à moi, et le gars conduit. Ils se mettent à se frencher. Le moteur roule encore. Moi je m’énerve par en dedans genre embrasse-la tant que tu veux mais coupe ton ostie de moteur!

Ils s’embrassent longtemps. Je finis par regarder ailleurs. Quand même. J’ai un peu de décence.

Continue de boire.

Me retourne vers l’auto et la fille est penchée sur les jeans du gars, qui n’a plus vraiment de jeans. Le gars est accoté dans son banc, trop à l’aise. Une main sur la tête de la fille. L’autre derrière sa tête à lui. Je vois la tête de la fille rebondir. Et ses cheveux blonds glisser dans sa face. Il les tasse nonchalamment. Elle ne m’a pas vu, c’est clair. Je me demande c’est qui.

Il tourne sa tête vers moi et je croise ses yeux. Il sourit baveux. Come on! Tu m’écœures. Pas avec ta main sur sa tête. Manque total de classe. Je suis là en plus, à genre cinq mètres de toi.

Il continue de me regarder.

La tête de la fille continue de rebondir.

Plus vite.

Elle arrête.

Elle se rassoit, comme si de rien n’était. Elle ne m’a jamais vue.

Puis, finalement, l’auto s’en va. Avec le gars et avec la fille dedans. Probablement en direction d’un pont. Ça devait être l’arrêt au puits de fin de soirée, avant la dernière stretch vers la Rive-Sud.

Et s’ils avaient coupé leur moteur, de tout ça, je n’aurais jamais rien su.

Les ours mangent les sacs et les chats mangent les langues



Alors, qu’il dit, tu es allée où dans les Adirondacks?

Heu, Marcy. On a dormi dans un lean-to, à mi-chemin. (Rappelle-toi cette rando que tu as fait il y a quelques années. Mais pourquoi – pourquoi – je lui ai dit que je suis allée camper là-bas? Je lui dis quoi maintenant? Non en fait c’est pas vrai, je t’ai dit ça pour rien et là je sais plus comment m’en sortir et je peux quand même pas te dire que c’est pas vrai, que j’aurais juste aimé y aller et que j’avais besoin d’une raison, de te dire pourquoi je t’avais pas rappelé, même après une journée parfaite, alors j’ai dit ça sans penser.)

-       Je prendrais bien une bière, moi. Toi?
-       Oui!
-       C’est beau en haut, non?
-       Super, mais il ventait fort.
-       Alors comme ça vous avez failli vous faire tuer par des ours?
-      Bon j’ai peut-être un peu exagéré. On avait accroché notre sac de bouffe à un arbre, mais on était tellement poches avec les cordes qu’en fait, on n’avait pas vraiment réussi à monter le sac très haut. C’était plutôt un appât à ours. Il se balançait comme un con au bout de sa branche. On le savait mais on n’a pas réussi à le monter plus haut. On a fini par abandonner là notre appât et à aller se coucher. Le lendemain, quand on s’est levées, il n’y avait plus de sac de bouffe et seulement quelques restes par terre. Très drôle par après, mais pas vraiment sur le coup. Et on n’avait plus rien à manger. Quelques barres et de l’eau…
-   Je pensais qu’il fallait utiliser des barils résistants aux ours, maintenant.
-     (Merde! Je savais pas que les règles avaient changé. Peut-être que c’est pas vrai. Peut-être que je suis assez conne pour avoir passé trois jours là-bas sans m’en rendre compte…) Oui en fait, on ne savait pas et on s’en est rendues compte une fois rendues au lean-to seulement. On devait être vraiment dans la lune et il était trop tard pour redescendre. J’ai appris ma leçon.

(Autre leçon de moi à moi. Ne jamais mentir : c’est mal.)

Et cette soirée. Ben je sais pas. Parle parle jase jase. Un ami m’appelle vers 22h. Ce n’était pas planifié, je le jure. N’a rien à faire, capote un peu. Je lui dit de passer.

Ami arrive. Alors pour la date entre moi et les yeux noisette, on repassera.

Sinon, belle soirée.

Fin en queue-de-poisson, en ce qui concerne la date.

Je lui ai même pas laissé une chance de me cruiser.

Tu sais, j’aimerais bien que tu le fasses, quand même.

Je suis fuckée



Gabriel rappelle. Est-ce qu’on se voie bientôt? Il a un drôle de beat lui. Ça fait quoi, presque trois semaines qu’on s’est pas vus? J’imagine qu’il s’attendait à ce que je le rappelle. J’imagine que j’aurais dû. Trop occupée à courir après un gars qui ne veut rien savoir de moi. Et jamais assez par ceux qui sont là. Est-ce que je chocke parce qu’il ne m’intéresse pas? Ou juste parce que c’est vrai pour vrai? Qu’il est là. Et que c’est moi, qui manquera de porte de sortie dans cette histoire?

Je ne sais jamais ce que je veux. Est-ce que c’est encore mon cerveau qui fait des acrobaties pour me faire croire que je ne suis pas intéressée, mais qu’en fait je le suis? Ou je ne le suis vraiment pas, et j’essaye de me forcer à continuer une histoire pour rien, juste parce que je me dis qu’il devrait m’intéresser, que ça va finir par arriver? Il a beau est être cute, intéressant et t’appeler mademoiselle dans l’oreille en remplissant ton verre de vin, il faut quand même aussi qu’il t’étampe dans le mur et qu’il passe des étincelles entre nos peaux. Et ça, ben, tu l’as ou tu l’as pas.

Alors j’ai répondu oui, j’aimerais ça te voir bientôt. Désolé, j’ai été super occupée avec la job. Pas vu le temps passer. Je suis partie quelques jours en camping aussi. Dans les Adirondacks. C’était beau il faisait froid un peu le soir en montagne, sauf. On a failli se faire tuer par un ours, je te raconterai.

Mensonge mensonge.

Comme c’est compliqué, la vie.



Simon n’a pas rappelé. J’ai pas poussé l’excès de guts et de confiance jusqu’à me pointer à son bar. Il y a une limite quand même. La mince ligne entre la détermination et la stupidité. Est-ce que je l’ai déjà passée? C’est une ligne tellement dure à sizer. Quand est-ce qu’on en fait trop? Quand est-ce qu’on attrape le moment et que faire des folies vaut la peine, quand est-ce qu’il vaudrait mieux attendre un peu plus, que le hasard fasse son bout? On peut pas tout lui demander, quand même, au hasard.

Est-ce que j’aurais été mieux de simplement me pointer où il travaille? J’avais seulement une flèche à tirer. On dirait que je me suis trompée de cible. Comment j’aurais pu savoir? L’appeler ou me pointer. Un ou l’autre. Pas les deux. Les deux c’est trop. Trop pathétique. Trop too much.

Ne pas laisser de message en voyant que c’était son répondeur et débarquer où il travaille? Ou a un de ses shows? C’est aussi prendre le risque d’avoir l’air vraiment épaisse – il a sûrement un afficheur.

Dans ces moments-là, pour que ça fonctionne, il faut donner l’impression que tout est arrivé par hasard, qu’on s’en fout un peu. Il n’a pas besoin de savoir que le hasard a été soigneusement planifié. En fait, il est mieux de ne jamais le savoir. Là, peut-être qu’on a une chance. 

Si les attitudes sont figées dans plein d’attentes imposées et supposées, ça marchera pas. Une date. Une crisse de date. Est-ce qu'il y a quelque chose de moins spontané qu'une date?

Après il se mettra à penser que tu veux lui passer une bague au doigt. Alors ça sera fini. Il se mettra à te baratiner n’importe quoi. Qu’il sort d’une histoire difficile, qu’il ne veut pas sacrifier sa liberté, qu’il ne t’aime pas comme ça. Si tu en fais tant, les conséquences de son oui sont sûrement trop lourdes à porter. C’est ce qu’il se dit. Quand il reste un peu de chance à la spontanéité de créer des surprises charmantes, c’est plus facile. Mais comme des fois, pour qu’il se passe quelque chose, il faut faire un move. Ça arrive (souvent) qu’on fait pas le bon.

Et l’autre panique. L’histoire chie avant de commencer. Et tu aimerais lui dire. Come on, relaxe un peu. Je vais pas t’attacher. Je trouve juste que tu as l’air cool. Que tu as l’air de valoir la peine que je m’intéresse à toi. Que tu as l’air de quelqu’un d’intéressant à connaître. Arrive ce qui arrivera. C’est pas si grave.

Mais sans ces tentatives foireuses pour faire partie de ta vie, je fais quoi pour te rencontrer vraiment? Vu que je ne te vois pas par hasard, dans ma vie de tous les jours.

Et oui, j’aimerais vraiment vraiment que tu m’étampes dans le mur et ne me laisses pas partir pour au moins quoi, trois jours. Mais ça, c’est une autre histoire et ce n’est clairement pas ça qui te fait peur.